En voyant Morphée continuer à s'exciter sur cet'te mystérieux'se Khora, Philippe ne put rien faire d'autre que de lui tapoter l'épaule en signe de soutien. Il ne pouvait décemment pas approuver les violences physiques envers un étudiant, mais ça n'avait pas vraiment pas l'air d'être facile tous les jours, la vie de conseiller d'orientation. Il secoua la tête.

J'crois que ma tante a déjà envoyé une lettre à Scipio d'ailleurs, pour l'prévenir que Lavr risquait de pointer sa sale gueule sur le campus. Mais elle s'en occupe. Crois-moi, vaut mieux pas se mêler des histoires de famille des autres.

Surtout d'une famille composée de vampires et de sorcières. Philippe était aux premières loges pour voir le changement de couleurs de Morphée. Lui mit ça sur le compte de l'alcool, et ça le fit sourire intérieurement de voir qu'aucun des deux n'avaient l'air de bien le tenir, malgré leurs bravades à l'hôpital. Il l'écouta raconter sa raison de rejoindre le charc-en-ciel. Il n'y avait pas de bonnes ou de mauvaises raisons pour rejoindre ce club, mais celle de Morphée était sans aucune doute une des meilleures. Sa main qui lui avait tapoté l'épaule devint un bras avec lequel il entoura ses épaules en une accolade. Il savait ce que c'était, se sentir seul comme personne queer. C'était un sentiment horrible.

A 17 ans, j'ai été mis dehors par mes parents quand ils m'ont surpris en train d'embrasser un mec. C'est pour des gamins comme toi que j'ai fait mon coming-out en tant que super. A toi de tracer la voie maintenant. T'es plus tout seul.

Il le lâcha et suivit son exemple, terminant aussi sa choppe. De la bière bien fraîche en compagnie d'un pote après le travail, y avait-il meilleure façon de conclure la journée ?

Ouais. J'trouve aussi. La prochaine fois on va au karaoké, j'veux t'entendre chanter.

Morphée n'y couperait pas. L'ex Noir Moineau souleva sa pinte désormais vide. Le blond avait une belle teinte cramoisi et lui ne devait plus être aussi blanc que lorsqu'il était rentré aussi.

On en r'prend une ou on s'avoue vaincus pour ce soir ?

Philippe était vraiment quelqu'un d'exceptionnel.

Morphée se rendait bien compte à quel point c'était une chance de le retrouver et la tristesse qu'il avait eu à l'arrêt de leur correspondance.

Philippe était unique, il savait trouver les mots justes, il avait de l'expérience. Le visage de Morphée se teinta d'un sourire à la confidence ; oh, le combat de Philippe avait toujours été juste, lui-même, s'il en était aussi fan dans le passé, c'était en partie pour cette raison (et aussi parce que Moineau n'était pas un de ces héros bling bling qui faisaient quotidiennement la une des tabloids.

« Merci. », dit-il. « Ca n'a pas dû être facile pour toi , tu n'es plus seul également. »

Ce ne devait pas être facile d'être celui qui veillait sur tous les autres, la seule branche non pourrie sur laquelle se poser. Il avait évolué, il était loin d'être le petit oisillon qu'il était à ses débuts. Ils étaient deux maintenant à être au Charc en Ciel, un bon début – il était sûr que d'autres membres du personnel les rejoindrait.

Il avait beau faire le fier, ses joues avaient volé vers le rouge depuis de longues minutes pourtant. Il n'oserait pas refuser la deuxième bien : après tout, ils s'étaient juré de se murger la gueule depuis des années maintenant, non ? Le changelin leva un bras pour commander une autre tournée, et finit le fond de sa première bière pas entièrement vidée.

« Une deuxième, évidemment, même si je pense très franchement qu'on nous ramassera à la petite cuillère ou qu'il n'y aura pas besoin d'un karaoké pour que nous chantions. J'ai une très mauvaise mémoire pour les chansons, tu sais ! L'autre jour, ils m'ont hué alors que je m'essayais à du Tri Yann. »

Morphée pouffa de rire alors qu'on leur apportait la deuxième chope de bière. Il la prit, la leva et trinqua avec Philippe.

« A nos chers étudiants têtes à claque ! Pas à la santé de cet'te psychopathe de Khora ! »

La soirée promettait d'être belle, elle ne faisait que de commencer.

Que Morphée se rassure, ça faisait longtemps que Philippe ne se sentait plus seul. Il avait sa soeur et sa nièce, il avait les fréquentations du bar gay où il chantait certains samedis, il avait le charc-en-ciel, et maintenant, il avait retrouvé un ami de son ancienne vie. Ca allait bien pour lui, mieux qu'il aurait pu se l'imaginer il y a quelques années, lorsqu'il était encore sous l'emprise de l'autre. Il hocha donc la tête tranquillement.

Je sais.

Morphée avait donc choisi l'ivresse. Philippe ne comptait pas boire à se rouler par terre, surtout pas dans un café fréquenté par leurs collègues. Mais une deuxième choppe ne le tuerait pas, et puis Morphé bourré ça avait l'air d'être quelque chose, et il avait très envie de voir ça. Il eut un petit sourire en coin et trinqua avec lui.

Je vais te faire boire assez pour que tu chantes alors. A nos jeunes du charc-en-ciel !

Malheureusement, ça ne se passa pas comme prévu. Le brun n'avait déjà pas naturellement une bonne résistance à l'alcool. Etait-ce dû à sa petite taille, ou aux gènes de sa très lointaine ancêtre fäe irlandaise, qui ressortait chez lui de façon très forte, comme le prouvait son pouvoir ? Il l'ignorait. Et ce soir, sans doute à cause de la joie de retrouver Morphée, du soulagement de voir que celui-ci ne lui en voulait, plus la fatigue de la fin de semaine, ou alors tout simplement la bière ici était bien chargées, mais l'alcool lui monta vite à la tête, une fois sa duexième choppe vidée. Philippe avait l'alcool joyeux, riant beaucoup plus facilement. Et peut-être que Morphée n'aurait pas beaucoup à le pousser s'il voulait qu'il l'accompagne à chanter. Désinhibé, le concierge continua à se montrer tactile envers Morphée, sans aucune pitié pour les joues rouges de son ami. Sans aucune gêne, il passa sa main les cheveux blonds pour dégager doucement l'oreille effilé. Il avait tendance à l'oublier, car c'était très loin d'être aussi flagrant que sur certains, mais Morphée n'était pas humain.

J'avais jamais remarqué que t'avais les oreilles aussi pointues. T'as eu d'la chance que les médias t'appellent pas l'Elfe ou j'sais pas quoi encore.

C'était pire qu'avant.

Au fur et à mesure que Philippe se rapprochait de lui, Morphée se sentait incapable de parler ou de dire des choses vraiment intelligibles. Il aurait été compliqué de dire si la bière était en cause dans cette histoire-là ou juste la présence du Moineau à ses côtés, sans doute un peu des deux.

« Mphr. »

Il ne pouvait assurément pas lui dire non, ni se comporter comme il le faisait avec la plupart des mortels.

(car franchement, lui tirer les oreilles, avec n'importe qui d'autre, Morphée se serait déjà manifesté et aurait hurlé sur le concerné, avec Philippe, il se contentait de rester immobile, un peu rouge.)

Il parvint cependant à s'éloigner de deux centimètres.

« Hey ! », c'était un peu ridicule. « Merci pour « l'elfe » hein, encore heureux. Pourquoi tu crois que je cache mes attributs au commun des mortels ? »

Les médias n'étaient pas des plus fins et Philippe avait raison. Il ne savait plus vraiment était venu ce pseudonyme du Changeforme, sans doute n'était-ce pas le seul surnom qu'on lui avait donné dans les médias, le seul qui était resté en tout cas – lui avait une terrible imagination dans ce domaine précis, il ne s'était jamais chargé de ça.

Il ne savait pas vraiment s'il pourrait se concentrer pour boire cette foutue bière, pas avec Philippe aussi proche, maintenant. Et qu'on ne compte pas sur lui pour qu'il dise exactement à ce dernier qu'il le rendait complètement incapable de s'exprimer. C'était horriblement gênant.

Finalement, il réussit à attraper sa chope et la leva.

« A nos jeunes du Charc en Ciel ! », puis en but une bonne rasade. L'alcool commençait à lui piquer le nez mais il était encore conscient de ce qui l'entourait, contrairement à Philippe qu'il semblait avoir déjà bien perdu. À croire que ses soirées à répétition payaient.

« T'as très envie que je chante, mais j'aimerai bien t'entendre aussi ! Attends ! On va déménager et nous rendre dans le karaoke. », Morphée se leva d'un coup, décidé (l'alcool aidait) et tendit la main à Philippe. Il était particulièrement fier de son coup à vrai dire. Il ne lui laissa pas bien le choix et quelques minutes plus tard et les bières de réglées, ils se trouvaient déjà dans un karaoke à moitié plein avec d'autres chopes entre les mains.

Voilà des chansons françaises très classiques qui commençaient, des étudiants qui s'époumonaient.

Le retour de la troisième bière de la soirée fut en revanche piquant et le peu d'esprit que Morphée avait pu faire disparut dans les abîmes, sa gêne et ses plans machiavéliques également.

Morphée eut un rire débile.

« Terre. Brûléééééée. »

Philippe pouffa encore en le voyant râler, et retira sa main. Décidément, Morphée était marrant. Il lui avait bien manqué ce jeunot. Alors, lorsque le blond voulut qu'il le suive jusqu'au karaoké, le concierge protesta sans grande conviction. Il sentait bien que l'alcool lui était monté à la tête, et  s'il continuait comme ça, il allait juste se mettre à pioncer sur la table.

Sans moi, j'suis trop K.O.

Et pourtant, quelques instants plus tard, ils y étaient, à ce fameux karaoké, une nouvelle pinte entre les mains. Il avait beaucoup à dire sur les choix musicaux des étudiants de la F.E.A.H., qui semblaient ne pas avoir quitté le vingtième siècle, et pas dans ce qu'il avait de meilleur musicalement parlant. Mais avec la bière et surtout le spectacle de Morphée qui se prenait au jeu, c'était très supportable. Phil' secoua la tête lorsqu'il se tourna vers lui, un grand sourire sur le visage. Lui vivant, jamais il chanterait sur du Sardou.

J'suis pas assez bourré ou pas assez hétéro pour chanter ça, gamin.

Et pourtant, à la fin de sa troisième bière, lui aussi s'était laissé prendre à l'ambiance générale. Il tenait encore bon, ne se sentait pas vraiment plus bourré qu'avec la deuxième. Il paierait ses excès au réveil demain matin, mais c'était le problème du Philippe du futur. Le Philippe actuel était bien trop occupé à chanter/gueuler avec les autres.

J'ETAIS DEVENU ROI, DE LA TRIBU DE DANA !

Même sans son pouvoir, l'ancien super avait la voix qui portait naturellement. Malheureusement, dans son état actuel, il ne pouvait pas briller avec ses talents de chanteur devant Morphée, ça serait pour une prochaine fois. Avisant leurs choppes vides, il héla le serveur lorsqu'il passa près d'eux.

S'il vous plaît, deux autres pintes pour moi et mon ami ! On fête nos r'trouvailles !

C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent avec leurs quatrièmes pintes de la soirée. Phil' but une gorgée avant que la nature se rappelle à lui. Faut qu'j'aille pisser, j'reviens. Et cinq minutes plus tard, il était de retour, mais ne se rassied pas. Il avait eu une idée brillante. Il saisit sa bière d'une main et le bras de Morphée de l'autre pour le tirer.

Viens, on va choisir une chanson !

Et tout comme Morphée l'avait trainé ici, Philippe le traîna à l'animateur pour qu'ils choisisse un truc à chanter tous les deux. En voyant la liste, le brun vit "J'ai encore rêvé d'elle.". Il écrasa aussitôt son doigt sur le titre.

Celle-là.

Merveilleux, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ?

Sans doute parce que son cerveau n'était pas assez alcoolisé pour envisager l'idée, ou parce que la proximité e Philippe l'avait rendu complètement hors service.

Heureusement, Morphée s'en était (presque) remis.

L'ambiance du karaoké dépassait tout ce à quoi il s'était attendu, il ne tarda pas à chanter en cœur la Tribu de Dana et à rire aux éclats à un moment où il cafouilla magistralement dans les paroles, crachant à moitié sa bière sur Philippe. Il se rendit à peine compte de la disparition de Philippe, trop occupé à siffler sa bière et à chanter d'autres trucs à tue-tête.

« Euh oui une chanson ! », et sa bière à la main, il fut traîné sur la scène. « Attends euh ! »

Mais trop tard, la chanson était déjà lancée et il allait devoir...faire en duo sur cette chanson précise. Bien sûr, Morphée prit une couche supplémentaire de couleur rouge puis commença, il ne savait trop pourquoi, à chanter avec une voix de castrat sa partie.

C'était magistral et complètement faux, heureusement, tout le monde était suffisamment éméché pour ne pas s'en souvenir le lendemain.

Ca avait été un moment de supplice intense, entre deux gorgées de bière, il avait à présent tellement de mal à se tenir debout qu'il était obligé de s'aggriper à Philippe pour avoir l'air un peu décent.

(un tout petit peu)

Il y eut un rire qui sortit de sa bouche à un moment car il fallait le reconnaître, c'était extrêmement drôle, des paroles hasardeuses et même des erreurs quand Morphée changea un « elle » pour un « il » à un moment (allez savoir si c'était conscient ou pas), puis la chanson et leur petite bulle finit.

« C'était trop bien ! Tu chantes comme un dieu, tu sais ? Ils vous apprennent ça à l'école de la rue ? »

Il parlait très fort comme s'il était très loin et que Philippe n'entendait pas.

« Il faut absolument monter un groupe de rock et euh. Enregistrer nos chansons ensemble ! On fera des doubles voix et tout, ce sera trop génial ! »

Il explosa ensuite de rire.

Allez savoir pourquoi, Morphée sortit sa plus belle (non) voix de fausset. Philippe trouva marrant de prendre la contrepied inverse et de chanter avec la voix grave et éraillée de quelqu'un qui avait fumé beaucoup trop de cigarettes et parlant qu'en gueulant. Lui mais en pire en somme, ce que son pouvoir lui permettait de faire sans problème. Ca faisait longtemps qu'il ne l'avait pas utilisé ainsi, ça lui avait manqué.
Et puis, de toute façon, impossible de chanter correctement avec un partenaire aussi déchaîné, alors autant s'éclater jusqu'au bout. Il passa un bras autour de la taille du blond, histoire que celui-ci finisse pas étaler au sol. Et malgré son envie et les éclats de rire contenus dans sa voix, Philippe réussit à chanter toute la chanson jusqu'au bout, sans se planter et à peu près justes, profitant des pauses pour boire sa bière. Il passait son meilleur moment depuis la rentrée, et était content de voir que ça semblait être le cas pour son partenaire de beuverie aussi.

La chanson finie, ils durent libérer la scène et il secoua la tête devant les compliments extravagants de Morphée.

Quand j'étais gamin j'avais un groupe avec des potes, c'était fun. On s'entraînait dans l'garage et tout. J'me suis tapé le bassiste.

La fameuse première fois. Philippe gloussa en racontant cela. Aaah, le lycée. Il avait squatté chez les uns les autres lorsque ses parents l'avaient jetés dehors. Avec le temps ils s'étaient éloignés les uns des autres, mais étaient restés en contacts. Perdu un instant dans ses souvenirs, il oublia de préciser à Morphée qu'il chantait dans un club, certains samedis soirs. Et puis, c'était beaucoup plus drôle de l'écouter tirer des plans sur la comète. Il hocha la tête. Sur le moment, ça lui paraissait être une idée absolument bonne et viable.

Ok, et on mettra ta belle gueule sur les pochettes d'nos albums pour attirer l'public.

Il l'avait pas lâché depuis que Morphée s'était accroché à lui. Il lui ébouriffa les beaux cheveux blonds qui étaient loin d'être aussi impeccablement coiffés que lorsque le blond avait toqué au Charc-en-ciel. Meilleure idée qu'il avait eu de reprendre sa présidence ! Il termina sa bière et la posa sur la table, pour sortir son portable le temps de vérifier l'heure. Franchement, ils feraient pas mieux que cet incroyable duo ce soir, et il sentait que lui-même avait du mal à marcher droit. Il allait mettre tout le week-end à s'en remettre, il se faisait trop vieux pour ces conneries, mais il regrettait pas. Vraiment pas.

J'vais pas tarder à y aller, j'vais plus avoir de tram sinon. T'habites dans l'coin c'est ça ? J'te raccompagne ?

Philippe était trop cool.

En plus il chantait bien, ce qui était un petit miracle au nombre de bières qu'ils avaient pu s'enfiler.

Morphée avait du mal à être réellement conscient ou même acteur de sa propre soirée, mais il riait niaisement quand Philippe parlait et il se répétait dans sa tête chacune de ses phrases pour les imprimer.

Leur rencontre était importante, non ? La preuve que la vie réservait bien des surprises et que quelqu'un qu'on pensait perdu ne l'était pas tant que cela. Maintenant, Morphée était juste à côté de lui, à époumoner en français tout en manquant régulièrement de faire un ou deux pas qui l'aurait fait tomber au-delà de l'estrade ou juste pas terre, s'écroulant comme un petit tas de cartes mal agencé. Heureusement, comme le super-héros qu'il était, Philippe le sauva du ridicule. Il ne se libéra pas de sa poigne, au contraire, il était à l'aise comme ça – souhaitait que ce moment dure pour l'éternité.

« Pff t'es trop drôle. Les bassistes sont toujours les plus sexy. », argumenta-t-il.

Il n'avait aucun haut le cœur jusqu'à présent, il était bien. Ouais, ils allaient rentrer, s'il buvait une bière de plus, il ne pouvait pas garantir qu'elle tiendrait dans son estomac et puis il était pile poil à sa limite, celle qui le faisait flancher de temps à autre contre le corps de Philippe, à écouter les battements de son corps ou à rougir sans que cela ne soit vraiment suspect lorsqu'il ébouriffait ses cheveux d'un geste tendre.

Cette soirée s'était bien passée, elle avait même été merveilleuse.

Il ne rebondit pas sur l'histoire de sa gueule sur la jaquette du CD, sinon ça le ferait redescendre, sinon ça lui foutrait le seum. Quelque histoire de son image qui ne lui appartenait pas vraiment, ses parents finiraient par le retrouver et lui foutre un procès qui ferait un scandale dans les journaux. À la place, il tapota l'épaule de Philippe avec un petit air triste. On ferait ce qu'on ferait, mais ça, c'était sûrement une idée qu'on allait oublier.

« On va rentrer. C'était cool. Ouais, j'habite pas très loin, genre à deux rues d'ici. Attends. », il finit de régler les consommations, celles en plus du moins, Philippe toujours avec lui. « On peut y'aller, on se fera pas poursuivre par la police, pfff. Les loyers sont exorbitants ici, je cherche à partir depuis des mois mais je trouve rien de satisfaisant, c'est la merde. J'vais finir par habiter dans une cage à poule comme les étudiants sur le campus, tu vas voir, pfff. »

Il eut un petit rire aigü alors qu'il le faisait tourner, de nuit, vers une rue un peu moins éclairée. Elles étaient jolies, les rues médiévales du quartier, pas très pratiques avec leurs pavés très glissants, mais jolies. En tant de plus, il n'était pas rare qu'il entende des insultes à répétitions de scooters qui s'étaient cassé la gueule – il plaignait les personnes en fauteuil, c'était vraiment un cauchemar, il se demandait ce que foutait la municipalité.

Ils étaient arrivés au pied de l'appartement et Morphée rougit soudainement.

Il lui aurait bien proposé de monter, boire quelque chose, mais il y avait cette histoire de tramway. Pour contrer ce dernier fait, il lui aurait bien dit de dormir chez lui, mais c'était terriblement embarrassant.

« On y est. C'est là. », il eut un petit sourire gêné. « On prie pour que la porte soit en état de marche et que le chauffage fonctionne, haha. »

Laisser Morphée rentrer seul alors que celui-ci paraissait même pas pouvoir tenir debout tout seul n'avait jamais été une option pour Philippe, qui comptait donc bien le ramener sain et sauf chez lui avant de chopper le dernier funiculaire. Il le laissa payer comme il semblait tenir à régler toutes leurs consommations ce soir, mais c'était à charge de revanche.

Merci, c'est moi qui t'invite la prochaine fois.

L'excuse toute trouvée même pour qu'il lui propose de remette ça. Dehors, la fraîcheur de la nuit les saisit, mais c'était une sensation bienvenue après le coup de chaud au karaoké. Ca le dégrisait même un peu, et Philippe savoura le calme relative des rues, même si Morphée continuait à râler dans ses oreilles.

De l'autre côté y a des endroits pas chers, si ça t'dérange pas de d'voir prendre le funiculaire et l'tram pour aller bosser. Mais au moins y a pas ces pavés de merde.

Ok, là où il vivait, c'était loin d'être aussi beau que le Vieux Avalyon, pour ne pas dire que c'était franchement moche, certains soirs ça craignait même un peu (si Scipio paye mal son conseiller d'orientation, imaginez le salaire de l'homme à tout faire) mais au moins il risquait pas de se rompre le cou tous les cinq pas sur à cause d'un pavé irrégulier. A quatre jambes, les deux arrivèrent tout de même à destination sans bobos. La porte de l'immeuble voulut bien s'ouvrir, mais sasn grande surprise, Philippe découvrit l'absence d'ascenseur. Bon, il ne l'avait pas raccompagné jusqu'ici pour pour que Morphée se rompe le cou dans les escaliers. Il monta avec lui, jusqu'à la porte du blond.

J'vais te laisser là. T'écroules pas dans l'entrée.

Vu la gueule de bois monstre qui se profilait pour le matin, il préférait l'affronter tranquillement dans son lit avec son thé et sa bouillote que sur le canapé de Morphée, qu'il imaginait, allait savoir pourquoi, un peu défoncé. Il ne laissa pas le temps à Morphée de lui proposer de boire un autre verre chez lui, afin de ne pas le blesser en lui donnant un refus.

J'suis content d't'avoir revu. Faudra qu'on r'mette ça.

Ils savaient où se trouver après tout. Il le lâcha, enfin, gardant sa main sur le haut de son bras le temps de déposer un rapide baiser sur sa joue en guise d'au revoir. Puis il recula et leva la main pour un dernier salut. Il aurait été bien incapable de s'empêcher de sourire, après la soirée qu'ils venaient de passer.

A la prochaine. Cuve bien.

Puis il prit la direction des escaliers, croisant mentalement les doigts pour ne pas tomber. Il aurait eu l'air fin, tiens.