J'aurais pensé avoir une vie normale, quelque chose de familier comme pour la plupart des lycéens de mon âge.
J'aurais pensé rester chez mes parents jusqu'à ma majorité, trouver un petit boulot, quelqu'un que j'aurais aimé, un travail. J'aurais songé alors me marier, avoir des enfants. Je n'avais jamais aspiré à avoir une vie différente, bien que je lise des coupures de presse avec avidité : "Il s'est transformé en araignée devant sa classe entière" ou encore "il a mangé sa petite amie et l'a oublié." Il y avait comme une espèce de curiosité morbide à lire ces faits divers, comme pour se rappeler une bonne fois pour toute à quel point il est cool d'être humain.

Cool, je doutais de l'être. Je ne traînais qu'avec des garçons de mon âge, je n'avais pas spécialement un bon goût vestimentaire, lorsqu'il s'agissait de mettre d'autres vêtements que mon uniforme, de plus, j'avais un léger accent campagnard. Je ne correspondais pas vraiment à la définition de cool.

Ma vie changea drastiquement un misérable jour d'octobre. Les copains rigolaient, ils disaient qu'ils allaient faire quelque chose pour Halloween ; je riais également, c'était drôle, nous n'y croyions pas vraiment. Nous préparâmes le cercle, les cadeaux, récitâmes des paroles trouvées dans un vieux livre en latin. Takeshi, un petit de première année disait l'avoir trouvé dans une église. J'étais convaincu qu'il s'agissait d'une bible et ne les prenait pas au sérieux.

Je ne sais pas quand le rituel a déconné. Sans doute au tout début, lorsque nous traçâmes le cercle à la craie par jour de vent. Peut-être lors de la prononciation de la formule : il fallait admettre que notre accent latin était à vomir. Toujours est-il que nous n'en croyâmes nos yeux, lorsque la forme apparut (je pensais toujours qu'il s'agissait d'un effet spécial, quelque chose que l'un d'entre nous avait bricolé.) Un flash suivit d'un bruit sonore, une voix venue d'outre-tombe. Ensuite, je me suis évanoui.

A mon réveil, à l'hôpital, on m'annonça que mon lycée avait brûlé. Plus tard, j'eus régulièrement des blancs de la même espèce, tous suivis de nouvelles plus ou moins mauvaises. J'avais toujours mis un point d'honneur à être propre, j'étais sans cesse poursuivi par une nuée de mouches.

On me fit consulter des exorcistes, il en existait encore dans mon pays et le verdict vint rapidement : j'étais possédé. Je n'ai aucune idée de ce qui fut testé sur moi, je pense que "l'autre" a réglé le compte que ceux qui ont testé des choses. Je n'ai aucune idée non plus de ce qu'il veut, s'il me reste du temps, longtemps.

J'ai peur.

J'ai rejoint un parent éloigné en Gaule pour intégrer la FEAH. On m'a dit que là-bas, j'aurais peut-être la chance de trouver une solution à mes problèmes ; il y a de la documentation, beaucoup.

Je suis en 3e année et je n'ai toujours pas trouvé de solution et suis globalement le plus nul de ma classe.