Il était une fois, un vilain très méchant du nom de Lavr. Lavr était un vieux vampire et surtout, un de ces vilains qui manœuvrait dans l'ombre, avec des sbires sur tout le vieux continent et au-delà, trompant dans toutes sortes de trafics illégaux. Un jour, alors qu'il avait à faire en Gaule, il rencontra une jeune sorcière. Elle était du côté des gentilles, une débutante encore, pressée de faire ses preuves contre les créatures de l'ombre. Dans les contes de fées, la gentille sorcière au coeur pure aurait triomphé du méchant vampire. Dans la vraie vie, ce fut elle qui finit entre les mains du monstre, qui l'emmena dans son château au Russie.

Avance rapide dans le temps. La jeune sorcière est morte d'avoir donné naissance à deux adorables bébés dhampires. Lavr, à l'époque, trouva cela distrayant de les briser pour les modeler à son image. Il se heurta à trois problèmes.
Le premier était qu'il réussit tellement à se faire haïr de ses fils comme jamais il avait été haï que la dernière chose que ces derniers voulaient était de lui ressembler.
Le deuxième était qu'à deux, Sacha et Kecha étaient indestructibles.
Le troisième était qu'en Europe, certaines sorcières faisaient encore parti d'un couvent. Et le couvent de la jeune sorcière était en colère d'avoir perdu l'une des leurs. Une en particulière, qui avait été son aînée et le modèle brûlait de rage d'avoir perdu sa protégée.

Nouvelle avance rapide. Cela faisait presque déjà 10 ans que les jumeaux étaient sous la coupe de leur géniteur lorsque le couvent réussit à le retrouver et à le piéger. Le sombre château fut presque totalement réduit en cendres, et si Lavr s'échappa de justesse, il ne put emmener ses fils dans sa fuite. Le couvent se retrouva bien embêtés, avec deux petit dhampires farouches sur les bras. Liorit trouva adorable que Sacha essaie de la mordre pour défendre Kecha et elle vit en eux son amie et pas le monstre qui le lui avait pris. Elle se porta volontaire pour les prendre chez elle.
BEAUCOUP de paperasses plus tard (que l'administration gauloise aimait ses formulaires !) elle était officiellement leur tutrice et les jumeaux étaient officiellement devenus les gaulois, Aleksandr et Innokenti Vorobiev, du nom de leur défunte mère. Et même mieux que gaulois, ils étaient devenus... bretons. Kecha en particulier fut très vite convaincu par les crêpes. Mais ça, c'est une suite pour une autre fiche.

La suite de Aleksandr et Innokenti les gaulois !

Nous retrouvons nos jeunes dhampires près de la forêt de Brecilient. Liorit vivait dans une vieille longère, avec basse-cour, potager et jardin de simples, où il y avait toujours quelque chose à faire. Les garçons devaient partager leur chambre et aider aux tâches domestiques. Leur tutrice elle-même était sévère et avare en démonstrations d'affections. Pourtant, ils adorèrent immédiatement cet endroit. La longère était chaleureuse, et ses alentours immenses. Ils étaient libres de courir où ils voulaient, du moment qu'ils avaient fini devoirs et travaux et qu'ils rentraient avant la nuit. Liorit leur apprenait plein de choses, et leur ébouriffait les cheveux lorsqu'elle était contente d'eux.

Ce ne fut pas de tout repos cependant. Sacha était si plein de colère qu'il n'était pas très différent d'un petit animal sauvage que Liorit dû apprivoiser petit à petit. Beaucoup d'objets furent cassés, beaucoup d'ordres furent désobéis, beaucoup de cris furent poussés et même quelques petites fuites furent faites. Mais Sacha revenait toujours et à force de patience, sa tutrice réussit à l'apaiser suffisamment pour qu'il ne soit plus toujours au bord de l'implosion.
Kecha, de son côté, s'épanouit comme une gloire du matin à l'aube dans cet atmosphère. La seule ombre au tableau était qu'il était souvent dans celle de Sacha. Plus sage, plus discret, Liorit lui accordait moins de temps qu'à son frère. Kecha comprenait, mais ça ne l'empêchait pas d'en souffrir un peu.

Toutefois, ils ne pouvaient pas passer toute leur vie à Brecelient. Les connaissances de Liorit avaient ses limites et elle était prise par ses obligations de sorcière. Et puis, les garçons ne pouvaient que grandir au contact de jeunes de leur âge. Avec un an de retard sur leurs camarades, Sacha et Kecha firent leur entrée au collège à Rennes.
Pour citer quelqu'un : "Je ne dirai pas que c'est un échec : ça n'a pas marché." Kecha et Sacha était deux garçons petits, pâles et maigres, avec de longs cheveux noirs et des grands yeux qui l'étaient tout autant, et des canines un peu trop pointus lorsqu'ils ouvraient la bouche. Ils parlaient un français châtié avec un léger accent russe, avaient des habits sortis de fripes. Bref, ils détonaient. Il ne fallut pas une semaine pour que le mot "monstre" soit lancé et que Kecha se mette à pleurer. Ses joues barbouillées de rouge n'aidèrent pas. Liorit fut convoquée dans la journée. Sacha avait méthodiquement éclaté ceux qui avaient fait pleurer son frère et les autres avaient été légèrement traumatisés par les ombres monstrueuses qui avaient soudainement envahis la cour.

Petit apparté. Il est à noté que ce fut la seule fois où Sacha utilisa son pouvoir contre des humains qui n'en avaient pas. Leur tutrice faisait peur lorsqu'elle était en colère et si elle ne voyait pas le problème à ce qu'ils se soient défendus, elle ne pouvait tolérer qu'il use ainsi d'une capacité contre qui les autres ne pouvaient pas se défendre. Et si au fil des années, elle les accompagna autant que possible dans l'exploration, la compréhension, et le contrôle de leurs pouvoirs, c'était toujours à condition qu'ils s'engagent à les utiliser contre aussi forts qu'eux. Fin du petit apparté.

Leur scolarité fut à l'image de ce début : chaotique. Les jumeaux Vorobiev pourrait vous faire un petit guide des collèges et lycées de Rennes et ses environs, ils en ont testé quelques uns. La faute de Sacha, qui explosait à la moindre étincelle, et Kecha derrière qui essayait de sauver ce qui pouvait l'autre. Ils avaient pris deux chemins différents à une même situation : si les autres avaient peur de lui à cause de ce qu'il était, Sacha ne voyait aucune raison de les détromper, au contraire, tandis que Kecha faisait tout pour se faire apprécier.

Au lycée, si Sacha avait appris à utiliser sa langue avant ses poings, l'adolescence ne fit qu'empirer les choses. Il faisait le mur, séchait quand ça l'enchantait,  flirtait avec l'underground rennais, entraînant parfois son frère dans ces conneries. Pour Kecha, le suivre était un moyen de s'assurer qu'il ne franchisse pas la ligne. Et si Sacha n'attendit pas ses 18 ans pour avoir un casier (violences (la meilleure défense c'est l'attaque) dégradations (des graffitis militants) injures aux forces de l'ordre (ACAB) vols (mais que dans les magasins de grande chaîne)) il dût à la bonne influence de son frère et à l'éducation de Liorit (ainsi qu'à un peu de chance, on ne va pas se mentir) de ne jamais finir en centre de détentions pour mineurs. Sacha testait ses limites et celles du monde qui l'entourait. Après des années à vivre sous la terreur de son père, puis sous la protection de sa tutrice, il voulait se confronter au monde pour être mieux parait pour l'affronter. Et définitivement, il s'épanouissait mieux hors des sentiers battus.
Le lycée fut aussi formateur pour Kecha. Il se dirigea vers un Bac S, contrairement à son frère qui choisit un bac L, et put enfin s'affirmer hors de l'ombre de celui-ci. Il fut le premier étonné de se rendre compte qu'il était plutôt populaire parmi ses camarades, sa personnalité solaire faisant oublier son petit problème de larmes ensanglantées. Mais on a tous nos défauts après tous. Et si ces trois années ne furent pas reposantes, elles eurent le mérite d'être intéressantes. On pouvait reprocher beaucoup de choses à Sacha, mais pas de s'ennuyer et savoir qu'il pouvait être apprécié par d'autres gens que son frère et sa tutrice pour ce qu'il était lui permit de s'ouvrir les yeux sur sa propre valeur.

C'est d'un commun d'accord que les deux frères visèrent la FEAH. Elle avait l'air bien plus fun que la prétentieuse Saint-Ange et sa réputation d'accueillir des marginaux comme eux les attirèrent. Ils ne comptaient pas devenir des vilains, mais ils ne comptaient pas devenir des héros non plus. La gloire, la lumière, tout ça, très peu pour eux, ils étaient des dhampires après tout, plus à l'aise dans l'ombre. Ils voulaient juste apprendre à tirer le meilleur d'eux et de leur nature pour ne plus jamais être à la merci de quiconque et protéger ceux qu'ils pouvaient comme eux-même avaient été protégés par leur tutrice. Kecha lui souhaitait apprendre à soigner ceux que la société appelaient monstres et les héros qui se battaient pour tous. Sacha lui n'avait pas une idée aussi claire de son avenir, mais il avait de la force et de la volonté à revendre, il trouverait bien quoi en faire une fois sur place. Ils furent acceptés et fêtèrent ça avec leur tutrice autour d'une montagne de crêpes, le cidre coulant à flot.

Et leurs bacs respectifs en poche (mentions TB pour les deux, une dernière fierté pour Kecha et un dernier pied de nez de Sacha aux profs qui lui promettaient un avenir plein d'échecs), les voilà maintenant sur le campus de la FEAH. Ils ont une chambre de 9m² pour deux bien trop petites pour tous les habits de Sacha et les ustensiles de Kecha, mais ils sont aussi impatients que anxieux à l'idée d'attaquer ce nouveau chapitre de leur histoire. A deux, comme toujours.